Écrivain ou tailleur de pierre
Beaucoup d’écrivains se considèrent comme architecte. Architectes de leurs mondes, leurs mots sont des briques qui viennent former leurs histoires.
Moi, je préfère le métier de tailleur de pierre. Au début, il y a cette masse immense et informe d’idées en fusions qui brûle, s’amollit, s’enflamme pour une seconde et s’éteint aussitôt. C’est dans cette plaque tectonique toujours en mouvement que le mineur va y puiser sa matière, à coup de dents, à coup d’ongles.
Devant son bloc tout juste extrait et encore mou, il va commencer à tailler.
Enlever le superflu, enlever l’inutile, le redit, le détail en trop. Tailler, tailler, tailler. Parmi ces morceaux de roche-idée il y a le blond des cheveux du protagoniste, il y a la longueur de ses jambes, le pourquoi d’un évènement, beaucoup de mots utiles. Mais le tailleur de pierre ne cherche pas l’utile, il cherche le nécessaire. Alors il continue de tailler.
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Stephen King conseillait aux auteurs de sélectionner le passage préféré dans leur roman et de le supprimer. Tout simplement. C’est un peu extrême, mais je suis globalement d’accord.
C’est pourquoi mes relectures se font généralement à gros coup d’effaceur. Pour m’aider je me suis posé trois règles pour déterminer si une phrase avait le droit, ou non, d’exister.
- Est-ce que la phrase fait avancer l’intrigue ?
- Est-ce que la phrase permet de caractériser un personnage ?
- Est-ce que la phrase ajoute un élément d’ambiance ?
Enfin, ça, c’est la version la plus stricte. En vrai, beaucoup de phrases passent à travers les mailles et se retrouvent à trimbaler leurs sonorités inutiles et leurs précisions superficielles à travers mes textes. Juste parce qu’elles sonnent bien.
Un gars du nom de Gallishaw proposait une méthode similaire.
Mais il ne faut pas oublier que, finalement, si l’écriture c’est une grosse part de travail, de technique, de recherche et de tout un tas d’autre truc pas très marrant, il reste encore l’imagination pour apporter un peu de chaos dans tout ça. Bien souvent, les belles phrases arrivent par surprise et au mépris de toute règles.